Questions à un apiculteur
Dans le cadre d’un TPE sur le sujet « Disparition des Abeilles », une lycéenne a envoyé un questionnaire à Jérôme.
Voici ses réponses.
Où sont situées vos ruches ?
Autour de chez moi pour l’hivernage, et pour faire des essaims, en zones dites sauvages, ou de cultures biologiques pour les productions de miel.
Vos ruches sont-elles infestées par le varroa – en grande ou petite quantité? Si oui, quel traitement utilisez-vous?
Depuis il y en a toujours, plus ou moins selon les années et mes « soins » (observation : ceux qui pensent leurs ruchers indemnes de varroas n’ont pas bien cherché!)
J’ai essayé, je crois, toutes les attitudes et tous les traitements possibles en bio, et actuellement j’utilise :
apiguard (thymol) en septembre, acide oxalique (en quantité très faible, c’est un produit que les abeilles connaissent bien car il y en a dans le miel) en début d’hiver, quand minimum de couvain, et au printemps quand je fais de nouveaux essaims et qu’il n’y a pas encore de couvain operculé, plus fonds complètement grillagés, ..etc.
Devez-vous traiter vos abeilles avec des antibiotiques?
Non, étant en bio depuis mes débuts, par conviction (le AB n’existait pas du tout encore..!), je me devais d’agir autrement C’était délicat, d’autant plus que je suis aussi agent sanitaire apicole, nommé par le préfet, depuis les années 80 et qu’en ces temps là les antibiotiques c’était automatique…
Avez-vous des pièges à frelons? Si oui, est-ce efficace?
Oui, et ça aide bien, mais la pression du Velutina n’est pas encore très forte dans l’Aude ou l’Ariège.. mais au point où nous en sommes ce n’est qu’un « problème » de plus même si c’est assez dramatique .
Avez-vous observé une surmortalité de vos abeilles?
Si oui, pour vous, quels sont les facteurs (pesticides, OGM, virus, thèses à écarter?)
- Les pesticides sur cultures, bâtiments d’élevage, ..etc, et leur accumulation, et les effets de synergies quand plusieurs types de molécules sont utilisées alors que leurs « AMM » n’ont été délivrées qu’ après une étude individuelle de chacun, et encore quand il y a de vraies études indépendantes ce qui est rarissime. Beaucoup à dire là dessus, mais ce ne serait plus des réponses à un questionnaire! Action directe, et indirecte, les deux à court, moyen et long terme.
- Le Varroa, (parasite à l’origine d’Apis Cerana*, dans l’île de java, mais l’homme ayant déjà voulu jouer à l’apprenti sorcier vers 1950, il est maintenant là presque partout, et plus grave qu’un parasite). Action directe et indirecte, à moyen et long terme (le côté indirect étant l’affaiblissement des colonies et les plaies facilitant l’entrée des virus).
- Le changement climatique : je suis surpris qu’il n’en est pas fait mention: il y a réchauffement (visible ici l’été, surtout depuis 2003) et légère augmentation d’amplitude des extrêmes (températures, précipitations, vents, rayonnement,en + et en -) or l’abeille s’est développée parallèlement aux plantes à fleurs (évidement…) dans leur écosystème, et celui-ci est en fait très sensible (ex.: miellée d’acacia en Ariège, fin mai : elle s’arrête si ça dépasse 29°, idem pour le châtaignier, fin juin, à partir de 35° et donc 1° de plus peut changer beaucoup de choses, c’est ce qui se passe de + en +). Action indirecte (car sur les plantes, l’eau,..) à court, moyen et long terme.
- Zones de grandes cultures : monocultures et périodes de disettes artificielles en pleine saison de développement pour les abeilles.
Ce point, et le premier font que l’on constate un meilleur état des colonies dans les grandes villes que dans ces zones de grandes cultures. Action indirecte à court et moyen terme, tant qu’il y a ces monocultures sur de grandes surfaces. - Les apiculteurs: ce sont aussi des humains, avec tous leurs défauts, et leurs « brebis galeuses »: trois ont notamment croisé Mélifera avec Cerana il y a 60 ans *, depuis d’autres font des croisements et des importations de tous les coins du monde, parfois pour gagner quelques mois de début de production alors qu’on perd des années de vie…d’autres mettent pesticides ou antibiotiques dans leur ruches…etc. Action directe et indirecte, à court et moyen terme. mais je ne le met qu’en 5° position car par expérience j’ai pu observer que la nature reprend le dessus si on lui en donne la possibilité, même s’il faut plusieurs générations de reines pour cela, et puis il y a aussi des pertes (les 30%) même si on est en bio depuis longtemps…
- Pour les OGM, il n’y a a (heureusement) pas encore assez de cultures de plein champs pour être la cause de ce qu’on observe sur les abeilles.
- Pour les virus, c’est le contraire, ils y étaient avant ces surmortalités, et les abeilles se portaient très bien. Ils se développent plus maintenant que les abeilles sont affaiblies, qu’il y a des failles dans la chitine (dues au varroa), mais surtout en corrélation de l’action de certaines molécules des pesticides; ce dernier point fait que c’est non seulement les abeilles mais tous les insectes pollinisateurs (et notamment les braves « Bombus ») qui butinent les fleurs des champs ou aux alentours des bâtiment d’élevage, qui sont en péril. Bref les virus sont un symptôme visible mais pas une cause au sens propre.
Craignez-vous une disparition imminente des abeilles?
Pour vous, quelles seraient les conséquences (sur l’environnement, l’économie et autres…)?
En vous remerciant par avance de l’attention que vous porterez à notre demande,
Valentine (et son groupe de TPE)
Traitement bio contre le Varroa
Un lecteur de notre blog nous a écrit :
Comment lutter contre le Varroa ?
Pour ma part j’ai arrêté de traiter depuis cinq ans.
Mais j’ai quelques soucis un peu moins depuis que je suis passé en plancher complètement ouvert.
Mais voilà je me pose la question suivante : nos abeilles finiront elles par lutter seul contre le Varroa ?
Pour ma part je m’efforce de garder des essaims très fort avant l’hivernage et je leur laisse une hausse de miel car ici en tarn et garonne il est de coutume de nourrir au sirop. Pour moi c’est bof – on a oublié que les abeilles mangent du miel a mon avis.
Merci de votre réponse et désolé pour ce long message.
Bonjour,
J’ai essayé beaucoup d’attitudes différentes / Varroa depuis son arrivée dans l’Aude en 1985 (ça ne me rajeunit pas..!) ; Je n’ai toujours pas de bonnes solutions, seulement des « pis-allé », ainsi que des planchers ouverts..etc.
Actuellement mon « pis-allé » c’est un des traitements bios : Apiguard (Thymol en gel) en septembre et un peu d’acide oxalique fin décembre si belles journées (pas sur les ruches faibles).
La seule intervention qui apparaît très efficace et sans aucun effet négatif sur la colonie, c’est lorsque je fais des séries d’essaims (bien populeux) : je fais là aussi un passage à l’acide oxalique après le début de ponte des jeunes reines qui viennent de se faire féconder mais avant que ce premier couvain ne soit operculé.
Je ne peux pas me permettre de ne pas intervenir / varroa, l’apiculture étant ma passion mais aussi mon seul revenu…et il y a pas mal d’autres apiculteurs dans le coin, on est responsable de ça aussi, même si ces « autres » sont eux-même parfois responsables d’autres dégâts (génétiques, reines ne vivant qu’un an ou deux, ..etc).
Laisser des provisions de miel est une bonne chose pour la colonie (surtout si elle est bien populeuse), mais ne change rien / développement du varroa.
Amitiés apicoles,
Jérôme Sarre.